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8 juin 2011 3 08 /06 /juin /2011 16:58

Hopital-Issoudun-serv-reeducation.jpgLa cour de l'ancien Hôpital d'Issoudun, réaménagé en Service de Rééducation Fonctionnelle
(photo centre hospitalier)


     Corps et Âme fut écrit en 1996 pour l'inauguration d'un service de pointe au Centre Hospitalier de la Tour Blanche d'Issoudun : le service de rééducation fontionnelle.

      Dédiée au personnel soignant de cet hôpital ainsi qu'aux malades en général, cette oeuvre évoque de façon poignante la maladie, en citant intégralement un poème de Sabine Sicaud, jeune poétesse née à Villeneuve-sur-Lot en 1913 qui, après avoir été remarquée par la Comtesse Anna de Noailles pour un poème primé en 1924 et avoir publié en 1926 un recueil salué de tous et préfacé par celle-ci, mourut prématurément à  l'âge de 15 ans (1928) d'une terrible maladie, l'ostéomyélite.

sabine-sicaud.jpgSabine Sicaud

    Donné en création le 1er juin 1996 par l'orchestre des élèves et des professeurs de la ville d'Issoudun sur le parvis de l'hôpital (photo ci-dessous), Corps et Âme fut rejoué en salle pour le concert de fin d'année du Conservatoire et c'est de cette version que nous aurons l'enregistrement dont sont extraits les exemples cités.

Corps-ame-1996.jpg

     La récitante était Marie-Noëlle Bichet, la propre fille du compositeur, qui après une spécialisation "théâtre" au lycée d'Issoudun poursuivait des études d'art dramatique au Conservatoire National de Tours.

Corps-ame-1996-2.jpgLa récitante derrière le compositeur qui présente son oeuvre

      Après une première partie déchirante destinée à évoquer la maladie et qui rappelle un peu le début du Voyage d'un Papillon, l'orchestre s'efface pour faire place au récitant (de préférence une jeune femme, dont la voix est plus proche de celle de l'enfant poète), qui déclame le poème de Sabine Sicaud intitulé Maladie dans son entier.

    Mais écoutons d'abord les quatre premières minutes, l'entrée dans l'univers de la souffrance. Vous percevrez parmi l'abondant pupitre des percussions la présence d'un ressort Baschet (voir ici en cliquant sur "détail des instruments", puis sur l'instrument lui-même, et ici, où l'exemple musical inclut apparemment un autre instrument, à corde semble-t-il), que Robert Bichet a largement utilisé dans son second Mardi 13 février (voir ici : on y entend parfaitement le "ressort" qui donne une résonance profonde et continue, due au frottement de la baguette sur les spires métalliques, dans le second extrait de la seconde partie, à partir de la 75e seconde). Vous aurez remarqué également que le piano, utilisé comme percussion, est parfois joué en frappant directement sur les cordes à l'aide de mailloches, ou en les caressant.

      A la 11e minute se lève la récitante, au terme d'une montée en tension de plus en plus haletante.



MALADIE

   Ah ! Laissez-moi crier, crier, crier...
Crier à m’arracher la gorge,
Crier comme une bête qu’on égorge,
Comme le fer martyrisé dans une forge,
Comme l’arbre mordu par les dents de la scie,
Comme un carreau sous le ciseau du vitrier,
Grincer, hurler, râler. Peu me soucie
Que des gens s’en effarent, j’ai besoin
De crier jusqu’au bout de ce qu’on peut crier.
Les gens ? Vous ne savez pas comme ils sont loin ?
Comme ils existent peu, lorsque vous supplicie
Cette douleur qui vous fait seul au monde.

Avec elle on est seul, seul dans sa geôle.

Répondre ? Non, je n’attends pas qu’on me réponde.
Je ne sais même pas si j’appelle au secours,
Si même j’ai crié, crié comme une folle,
Comme un damné, toute la nuit et tout le jour
Cette chose inouïe, atroce, qui me tue,
Croyez-vous qu’elle soit
Une chose possible à quoi l’on s’habitue ?
Cette douleur, mon Dieu, cette douleur qui tue
Avec quel art cruel de supplice chinois
Elle montait, montait, à petits pas sournois,
Et nul ne la voyait monter, pas même toi,
Confiante santé – ma santé méconnue…

C’est vers toi que je crie, ah, c’est vers toi, vers toi.

Pourquoi, si tu m’entends, n’être pas revenue ?
Pourquoi me laisser tant souffrir, dis-moi pourquoi,
Ou si c’est ta revanche, et parce qu’autrefois
Jamais, simple santé, je ne pensais à toi…

Sabine Sicaud
Poèmes posthumes

      Voici maintenant la fin de cette déclamation et le début de la troisième partie, qui évoque la guérison.

     On entend bientôt le coeur qui se remet à battre, puis des frémissements indiquant une gaieté recouvrée, un corps de nouveau libre... Et à travers une bande de sons enregistrés,  l'oeuvre va s'achever sur une autre citation, musicale celle-ci : l'air de jazz Body and Soul, interprété au saxophone ténor par Coleman Hawkins, et qui a donné à l'oeuvre son titre.

Body & Soul, enregistré en 1939 (début).


          Ecoutons donc maintenant la fin de cette vaste fresque, dont la tonalité heureuse s'enrichit de chants d'oiseaux au printemps, tandis qu'un train à vapeur symbolise un nouveau départ dans l'existence... Bientôt ce sera l'ambiance colorée d'un marché par un matin frais, d'où surgit pour terminer le chant du saxo, chaleureux et réconfortant.

 

     La pièce, d'une  trentaine de minutes, se joue sans interruption, chaque partie s'enchaînant à la précédente comme dans le Voyage d'un Papillon.

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commentaires

M
<br /> Une merveille...<br /> Que de souffrances, pauvre humanité, mais de la douleur<br /> nait la beauté, comme on le voit ici.<br /> Merci du partage.<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci, Marlou ! Mais oui, dans ce monde de dualité, la beauté naît souvent de la douleur ; de même qu'une trop grande joie peut souvent être suivie d'une grande peine...<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> un moment fort ici partagé, merci à toi<br /> je comprends que ce billet t'ait pris du temps...<br /> doux bisous<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Oui : non seulement je vérifie tous mes dires,  notamment au sujet de Sabine Sicaud ; mais en plus je dois réécouter tout l'enregistrement et le remettre au format mp3, ce qui m'a<br /> conduite à découvrir qu'il avait été fait avec une sorte d'accélération (= son distordu vers le haut), si bien que j'ai corrigé l'ensemble en ralentissant la diffusion, puis ôté tous les bruits<br /> de fond ; et enfin sélectionné les passages pertinents afin de les commenter... (sans me tromper !) <br /> <br /> <br /> Merci de ta visite attentive, Mamalilou.<br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> Je découvre en effet une oeuvre d'un lyrisme rare et qui colle à la souffrance poignante, déchirante, puissante du poème ( je ne connaissais pas la poétesse). C'est très beau et j'ai eu par moment<br /> le sentiment d'entendre du Stravinsky.<br /> Je ne connaissais pas le ressort dont tu parles...<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci de ta visite attentive, Viviane !<br /> <br /> <br /> Le renvoi que j'ai fait au sujet du "ressort" conduit à l'article précédent où j'en avais parlé car l'extrait musical correspondant permet de bien l'entendre. Sinon<br /> on peut aussi le trouver directement sur le site des instruments Baschet, mais j'ai trouvé qu'on ne le voyait pas très bien. Par contre je viens de trouver un site plus explicite alors je vais peut-être modifier mon lien : en effet, là tu vois et tu<br /> entends... Mais j'hésite car l'usage qui en est enregistré ne correspond pas à l'usage qu'en fait Robert : dans l'exemple sonore on frappe juste, soit sur le ressort, soit sur son pavillon ; or<br /> la "bonne" méthode, dont Robert raffole, consiste à faire glisser la baguette de haut en bas le long du ressort ce qui crée une vibration profonde et prolongée, comme une pédale d'orgue, que tu<br /> entends parfaitement dans l'extrait sonore de sa musique que j'avais mis en lien.<br /> <br /> <br /> Là on peut l'entendre mais c'est très confidentiel, l'enregistrement est faible.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> cela donne envie d'écouter l'oeuvre dans son entier...<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Oui, j'ai passé sur cet article un temps incroyable, mais en fait il faut que je reprenne les extraits sonores (qui étaient déjà préparés car je les ai simplement repris d'un précédent article<br /> sur mon blog), car ils semblent insuffisants et de plus, je vois qu'ils sont coupés abruptement.<br /> <br /> <br /> <br />

Profil

  • Martine Maillard
  • "C'est quand on est enfant qu'on emmagasine dans son cœur les choses les plus importantes de la vie" , dit souvent Robert Bichet.    

Je souhaite vous faire partager ici son enthousiasme et ses passions.
  • "C'est quand on est enfant qu'on emmagasine dans son cœur les choses les plus importantes de la vie" , dit souvent Robert Bichet. Je souhaite vous faire partager ici son enthousiasme et ses passions.

Présentation

Né en 1947, Robert Bichet reçut d'abord  une formation de musicien au Conservatoire National de Région de Tours en hautbois puis en écriture. Simultanément il publia deux recueils de poèmes sur la Région de Tours et commença à peindre sous l'influence de Pierre Dupas.

            Arrivé à Paris en 1970, il suivit durant deux années le stage de formation organisé par le Groupe de Recherches Musicales de Radio France et le Conservatoire National Supérieur de Paris, puis reçut une formation universitaire à la Faculté de Paris VIII où il fut admis au grade de licencié dans les départements de Musique et d'Arts Plastiques. 

          Tandis que deux nouveaux recueils de poèmes voyaient le jour, il s'initia à la gravure et commença à développer une technique d'encres soufflées. Par ailleurs ses relations avec de multiples amis instrumentistes enrichit sa connaissance des divers instruments et lui permit d'envisager une écriture musicale basée sur des masses sonores où apparaissent en relief des solistes dont tous les moyens sont mis en valeur. Cette exigence de recherche instrumentale lui valut une édition musicale à compte d'éditeur (chez Henri Lemoine) de son "Désert II" pour hautbois.

          Après avoir enseigné dans divers collèges de la Région Parisienne et avoir réussi à y insuffler un élan vers l'expression musicale contemporaine, il fut nommé en 1981 directeur du Conservatoire Municipal de Musique d'Issoudun (Indre), où conjointement à ses activités d'administrateur il développa largement sa peinture,  sa poésie et sa musique, par des créations originales spécialement conçues  pour ses élèves, ou même pour les enfants des écoles, appelés à participer.

        Retraité depuis 2007 il poursuit ardemment par des cours, des conférences, des animations, des concerts et des expositions, le but qu'il s'est fixé :  amener chacun à éveiller le poète qui sommeille en lui, en prenant conscience que tout être humain est un créateur.       

L'Art vient d'ailleurs, il est sacré.

L'artiste n'est qu'un transmetteur capable de s'émerveiller.

Quels que soient sa race, son sexe, son âge, sa condition sociale, tout être humain a la possibilité de dire ou de penser : "c'est beau... ... ... "

C'est à cet instant qu'il devient poète.

S'il s'autorise à créer envers et contre tous, il devient alors artiste, nourri par l'énergie d'une force intérieure qui le dépasse et qui le guide.

Robert Bichet

Citations

« L'artiste doit aimer la vie et montrer qu'elle est belle. »

Anatole France

 

« Nous, nous voulons être les poètes de notre vie. » 

Frédéric Nietzsche

Un Reportage Vidéo

Bibliographie

POÉSIE

- Expansion d'amour

(Editions J.F.P.F., 1967) épuisé.

- Triptyque :

  . Expansion d'amour
 . Altitudes

  . Douze paraboles pour une jeune fille

(Editions José Millas-Martin, 1970) épuisé.

- De la fenêtre

(Editions Saint-Germain des Prés, 1971) épuisé.

- De la fenêtre

(Editions José Millas-Martin, 1972).

- Mes saisons de Bracieux

   Poèmes pour eux

   Poèmes venus d'ailleurs

(Editions Saint-Germain des Prés, 1973) épuisé

- Parcours secret derrière Orion

(Editions François Villon, 1997)

- Là-bas sont tous les rêves

(Editions Caractères, 2009)

 

MUSIQUE

- Désert II     pour hautbois

Extrait de "Du Fond du Gouffre", durée 7'

(Editions Henry Lemoine, 1986).

- Parcours secret derrière Orion      pour 7 saxophones

(5 saxophones alto mi b, 1 saxophone ténor si b et 1 saxophone baryton mi b), durée 20'

(Editions Van de Velde, 2002).