Robert Bichet est un farouche défenseur des droits de l'homme. Rien ne le révolte plus que le racisme, la violence, la torture. Il s'est donc jeté tout en entier dans le projet proposé en cette année 1985 par le groupe Amnesty International d'Issoudun, autour des images du nouveau calendrier dessiné par Jean-Michel Folon.
On le trouve aujourd'hui dans ce livre illustré.
En tant que directeur du Conservatoire d'Issoudun chargé d'animations dans les écoles, Robert avait entamé avec des institutrices de la maternelle George Sand un grand travail de fabrication d'instruments et d'utilisation de percussions avec des tout-petits.
Il décida de les utiliser dans sa musique, en leur expliquant ainsi de quoi il s'agissait :
« Imaginez un papillon qui est retenu dans des fils de fer barbelés... Cela lui fait très mal, cela lui déchire les ailes ! Alors on va entendre toute sa souffrance, tous ses efforts pour se libérer. Il n'y parviendra pas mais à la fin quelqu'un va enfin le délivrer, et le papillon va s'envoler haut, très haut vers le ciel bleu, jusqu'à ce qu'on ne le voie plus. »
Ainsi de tout jeunes enfants participèrent à un grand concert donné exceptionnellement dans l'église de la ville, figurant l'innocence dans une vibrante prière pour la paix. Et il semble, vous vous en rendrez compte par vous-même, que cela soit une des oeuvres les plus émouvantes de Robert Bichet, car on y sent, entre les quelques cris d'enfants qui s'ajoutent par accident à la partition comme pour prouver que tout cela est bien réel, toute l'émotion d'un orchestre suspendu à un chef dont on découvrait alors l'aptitude stupéfiante à faire surgir la musique de presque rien, toute l'attention d'un public qui n'en croyait pas ses yeux ni ses oreilles, et toute la solennité d'un appel à résister à la violence et à l'oppression... Les battements obstinés de la grosse caisse sont comme la pulsation de la vie qui résiste, et qui vaincra envers et contre tout.
L'oeuvre, en trois parties enchaînées, dure au total vingt-cinq minutes. A l'orchestre du Conservatoire et aux objets sonores des enfants s'ajoutent les Ondes Martenot tenues par Francesca Paderni, le vibraphone tenu cette fois par Dany Raffali, et un récitant qui fut Bernard Martin, acteur alors en résidence à Issoudun (troupe du Nain Jaune). La prise de son pour la première fois très soignée est due aux techniciens du Centre Dramatique d'Issoudun, notamment Eric Michot, et le Groupe Lumière de la Maison des Loisirs assurait la projection des dessins de Jean-Michel Folon.
Tout en dirigeant l'orchestre des élèves et des professeurs du Conservatoire, Robert brandit des pancartes représentant l'instrument que les enfants doivent prendre en mains pour démarrer à son signal (photo de Martine Geoffroy pour le Berry Républicain).
Sur l'estrade derrière l'orchestre, on voit les petits assis à leurs pupitres avec leurs institutrice pour les guider, et devant eux les boîtes en carton contenant leurs divers objets sonores (photo de Martine Geoffroy pour le Berry Républicain).
Voici les cinq premières minutes de l’œuvre, qui dressent l'atmosphère de la première partie : "Souffrance". Tout y exprime l'angoisse, les appels au secours, les chaînes, la douleur. Les enfants frottent sur des boîtes de conserve qu'ils ont eux-mêmes arrangées, sur des coquilles Saint-Jacques, puis secouent des maracas.
Même la torture est évoquée, dans une atmosphère qui devient peu à peu insupportable (utilisation par les enfants de tuyaux de plastiques dans lesquels on souffle puis de sucettes sifflantes, qui seront reprises à la fin dans une atmosphère plus gaie).
Alors le récitant se lève et énonce Les droits de l'homme. Ponctuant chaque proposition, une diapositive s'affiche au-dessus des enfants derrière l'orchestre, portant le dessin réalisé pour elle par Folon.
A gauche de Bernard Martin, derrière Robert Bichet, vous apercevez les amplificateurs des Ondes Martenot. L'orgue de l'église à droite n'était pas utilisé, mais devant lui se trouvait le piano (photo de Martine Geoffroy pour le Berry Républicain).
Et juste ensuite commence la troisième partie : "Liberté"... Tout un univers de ciel bleu s'ouvre, et comme un point qui diminue on voit le papillon se noyer peu à peu dans un océan de bonheur. Les enfants soufflent dans des appeaux qui évoquent les oiseaux et la lumière. Vous constaterez que Robert Bichet, plus contemplatif que jamais comme dans sa poésie, fait tenir interminablement les notes comme pour évoquer l'inaltérabilité du ciel...
Et voici l'extrême fin, dans laquelle l'onde figure le papillon se fondant dans la lumière.
Concert donné en l'Église Saint-Cyr d'Issoudun le 16 juin 1985
Cet article est la reprise plus détaillée de l'ébauche esquissée sur mon blog personnel ici.