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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 19:17

    Lorsqu'il vivait à Paris, Robert Bichet fit la connaissance du peintre et graveur Michel Salsmann (voir ici), et s'enthousiasma pour l'une de ses oeuvres, intitulée Mardi 13 février : c'est une lithographie représentant quatre baigneurs nus dans une piscine sans eau, alors que derrière la vitre il y a la mer...

  Salsmann_mardi13fevrier.jpg

Mardi 13 février de Michel Salsmann

 

      Après en avoir obtenu de son ami l'autorisation d'utiliser son titre, Robert, conscient de la vision volontairement tristounette portée par celui-ci sur un quotidien grisâtre, décida d'écrire une série de "sept" (car c'est un chiffre sacré !) Mardi 13 février, en y ajoutant la mention "ou une journée à vivre".

     Pour le moment, il n'en a écrit que trois (et en restera peut-être là, puisque c'est aussi un chiffre sacré ?), qui possèdent entre eux ces trois points communs :

      1 - ce sont des oeuvres dédiées à des groupes précis d'interprètes.

      2 - elles ont pour trame un poème du compositeur, toujours le même, qui est d'abord simplement évoqué par des syllabes chantées ou des morceaux de phrases murmurés, toujours incompréhensibles et simplement utilisés comme matériau sonore, puis généralement déclamé à la fin et illustré par des diapositives projetées derrière les musiciens.

      3 - enfin elles évoquent une journée très ordinaire, dont les épisodes matin, midi et soir sont repérables avec leur succession de moments d'agitation ou de détente, mais avec en filigrane l'évocation de la mer ou du bateau qui  prend le large.

     Ce poème, écrit par Robert Bichet en 1983 alors qu'il se trouvait à Naxos, dans les Cyclades, s'intitule Escale, et se trouve cité dans la section Poésie de ce blog à cette page. On y retrouve le goût particulier du compositeur, fier de ses origines bretonnes du côté de sa mère, pour les bateaux de pêche ou de transport, dont les bruits de moteurs réapparaissent fréquemment dans sa musique comme autant d'appels au voyage et à l'évasion.


Naxos1983-Robert_Bichet.jpg

  Robert Bichet à Naxos en 1983

 

I - La version de 1987 -

Percussions, choeurs et trois instruments solistes

 

    Le premier Mardi 13 février ou une journée à vivre fut écrit pour le percussionniste Daniel Ardaillon et sa classe de l'Ecole Nationale de Musique de Montluçon, donc pour un ensemble de percussions joué par cinq exécutants et comportant outre les cymbales, caisses et différents gongs des vibraphones, xylophones et d'autres instruments harmoniques, auquel s'adjoignent des chœurs, plus un violon, une clarinette, une trompette, et un récitant. Il fut donné en création par ses dédicataires au théâtre municipal de Montluçon le 12 mai 1987.

      Robert y tenait le rôle du récitant, n'ayant que son poème à lire à la fin de la partition  ; mais, installé sur une estrade sur la droite de la scène, il intrigua les journalistes locaux qui pensèrent qu'il "surveillait" l'exécution de son oeuvre...

      Celle-ci est foisonnante, comme vous pouvez en juger par l'abondance des percussions visible sur la photo ci-dessous (prise par la Presse locale), ainsi que par la présence du choeur d'enfants constitué des classes de formation musicale sous la direction d'Isabelle Papalia.

Mardi13février-Montluçon-1987

"Mardi 13 février" pour percussions le jour de sa création au théâtre Montluçon, dirigé par Daniel Ardaillon - Photo "La Montagne".

       Ecoutons donc le début de cette grande fresque sonore qui dure au total 23'19. C'est le matin, la journée commence trépidante ; puis le rythme s'apaise tandis que peu à peu  apparaissent les instruments solistes, semblant sonner les heures, puis le choeur qui imite le bruit de la mer sur le sable par des "ssssssss - chchchch" successifs...


II - La version de 1988 -

 Structures sonores Baschet


         Le second Mardi 13 février est le plus inattendu.

       En effet, passionné par tous les instruments de pointe, comme les ondes Martenot, les percussions nouvelles (gongs chinois, wood blocks, temple blocks, shimes...) ou les bandes de sons modifiés, Robert Bichet s'est beaucoup intéressé au travail des Frères Baschet, créateurs de toute une gamme d'instruments dont leur fameux Cristal , constitué de tubes de verre de différentes longueurs que l'on fait "chanter" en glissant dessus des mains humides (c'est le principe du verre qui résonne lorsque l'on passe sur sa tranche un doigt mouillé)...

       Cette seconde oeuvre, agrémentée elle aussi de voix  et d'instruments solistes (un violon, une flûte, un basson et un piano), pupitres assurés dans leur ensemble par les interprètes mêmes des structures sonores, fut créée le 19 mars 1988 au Centre Culturel Albert Camus d'Issoudun, sous la direction du compositeur. Plus importante encore que la première, elle dure au total 41'10 et omet la lecture du poème qui en constitue pourtant la trame.

Mardi13février -Structures Baschet-1988

Robert Bichet dirige les instrumentistes Baschet :
on peut voir de chaque côté en hauteur des feuilles métalliques dans lesquelles se réverbèrent les voix, à gauche une
tôle comme nous en avons entendu une dans la tempête des Neuf espaces sonores, à droite un Cristal que l'on joue debout, et les différents instruments avec leurs pavillons d'amplification.

 

     En voici un premier extrait, où l'on entend les voix réverbérées par de grandes feuilles métalliques, puis le cristal, très doux et "magique" (nous vivons alors un moment très contemplatif vers midi), et peu à peu la tôle qui gronde. 

 

        Dans ce second extrait, issu de la conclusion de l’œuvre (dynamique, le soir),  on entend d'abord dans les accords martelés du piano comme une cloche qui sonne l'heure (formule chère à Robert Bichet), puis, sur fond de ressort (un énorme ressort surmonté d'un large pavillon, qui lorsqu'on le frotte avec une baguette émet une vibration très profonde), on assiste à un magnifique ballet de percussions rythmiques, sorte d'improvisation des musiciens soucieux de rendre à leurs instruments leur vocation première : celle d'évoquer les musiques primitives. 

 

III - La version de 1990 -

Soprano et piano

 

Mardi13février-soprano&piano -Vierzon90 (2)

Catherine Boni, Jean-Paul Cristille et Robert Bichet lors de la création de l'oeuvre le 16 décembre 1990 à la Maison de l'Habitant à Vierzon - aux murs, les dessins du compositeur.


       Celle-ci fut écrite pour la soprano dramatique Catherine Boni et son accompagnateur d'alors Jean-Paul Cristille. Une bande de sons y est ajoutée, comprenant des voix enregistrées, une partie de piano préenregistrée, ainsi que des cris de mouettes et un départ de chalutier...

      La soprano, qui s'est vivement intéressée à la création de l'oeuvre, chante tantôt sur des extraits du poème (qui sera entendu à la fin dans son entier sur la bande enregistrée), tantôt sur des onomatopées, y ajoutant même parfois des chuintements destinés à évoquer le bruit de la mer. Son oreille musicale est extrêmement sollicitée, car elle évolue sur des mélodies complexes entièrement écrites tandis que le piano module de façon planante et répétitive, à l'image du flot étale d'une eau paisible. On perçoit mieux dans ses paroles la toile de fond poétique, tandis que l'aspect "journée à vivre" n'est ici que suggérée par les accords lancinants du piano. L'oeuvre ne dure cette fois que 16'50, mais on est tenu en haleine du début jusqu'à la fin par une atmosphère lourde qui montre qu'il s'agit sans doute d'une journée chômée, d'été peut-être.

       En voici un extrait où, derrière le piano et la voix, va surgir un piano préenregistré qui sonne étrangement, comme issu d'un rêve peu agréable. Cette version a été saisie à Issoudun, lors de la reprise de l'oeuvre à la Maison du Berry pour le vernissage d'une exposition le 7 décembre 1991, avec cette fois Robert Milardet au piano. 



Petit chalutier



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commentaires

J
<br /> Que de choses possibles un mardi 13 février! Hier dimanche 13 février 2011, il y a eu aussi plus qu'une "journée à passer", comme le suggère Martine, et c'est toi Robert qui m'en donnes conscience.<br /> Grâce à toi, on peut juger que chaque jour est une nouvelle aventure, et que le 13 février peut-être en été! Dernière chose : si ta musique a un formidable impact en concert, elle n'en perd pas sa<br /> force évocatrice et génératrice de rêve sur les petits haut-parleurs de mon ordinateur.<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci, encore, de nous montrer que tu es passé par là et ce qui t'est passé par la tête... <br /> <br /> <br /> <br />

Profil

  • Martine Maillard
  • "C'est quand on est enfant qu'on emmagasine dans son cœur les choses les plus importantes de la vie" , dit souvent Robert Bichet.    

Je souhaite vous faire partager ici son enthousiasme et ses passions.
  • "C'est quand on est enfant qu'on emmagasine dans son cœur les choses les plus importantes de la vie" , dit souvent Robert Bichet. Je souhaite vous faire partager ici son enthousiasme et ses passions.

Présentation

Né en 1947, Robert Bichet reçut d'abord  une formation de musicien au Conservatoire National de Région de Tours en hautbois puis en écriture. Simultanément il publia deux recueils de poèmes sur la Région de Tours et commença à peindre sous l'influence de Pierre Dupas.

            Arrivé à Paris en 1970, il suivit durant deux années le stage de formation organisé par le Groupe de Recherches Musicales de Radio France et le Conservatoire National Supérieur de Paris, puis reçut une formation universitaire à la Faculté de Paris VIII où il fut admis au grade de licencié dans les départements de Musique et d'Arts Plastiques. 

          Tandis que deux nouveaux recueils de poèmes voyaient le jour, il s'initia à la gravure et commença à développer une technique d'encres soufflées. Par ailleurs ses relations avec de multiples amis instrumentistes enrichit sa connaissance des divers instruments et lui permit d'envisager une écriture musicale basée sur des masses sonores où apparaissent en relief des solistes dont tous les moyens sont mis en valeur. Cette exigence de recherche instrumentale lui valut une édition musicale à compte d'éditeur (chez Henri Lemoine) de son "Désert II" pour hautbois.

          Après avoir enseigné dans divers collèges de la Région Parisienne et avoir réussi à y insuffler un élan vers l'expression musicale contemporaine, il fut nommé en 1981 directeur du Conservatoire Municipal de Musique d'Issoudun (Indre), où conjointement à ses activités d'administrateur il développa largement sa peinture,  sa poésie et sa musique, par des créations originales spécialement conçues  pour ses élèves, ou même pour les enfants des écoles, appelés à participer.

        Retraité depuis 2007 il poursuit ardemment par des cours, des conférences, des animations, des concerts et des expositions, le but qu'il s'est fixé :  amener chacun à éveiller le poète qui sommeille en lui, en prenant conscience que tout être humain est un créateur.       

L'Art vient d'ailleurs, il est sacré.

L'artiste n'est qu'un transmetteur capable de s'émerveiller.

Quels que soient sa race, son sexe, son âge, sa condition sociale, tout être humain a la possibilité de dire ou de penser : "c'est beau... ... ... "

C'est à cet instant qu'il devient poète.

S'il s'autorise à créer envers et contre tous, il devient alors artiste, nourri par l'énergie d'une force intérieure qui le dépasse et qui le guide.

Robert Bichet

Citations

« L'artiste doit aimer la vie et montrer qu'elle est belle. »

Anatole France

 

« Nous, nous voulons être les poètes de notre vie. » 

Frédéric Nietzsche

Un Reportage Vidéo

Bibliographie

POÉSIE

- Expansion d'amour

(Editions J.F.P.F., 1967) épuisé.

- Triptyque :

  . Expansion d'amour
 . Altitudes

  . Douze paraboles pour une jeune fille

(Editions José Millas-Martin, 1970) épuisé.

- De la fenêtre

(Editions Saint-Germain des Prés, 1971) épuisé.

- De la fenêtre

(Editions José Millas-Martin, 1972).

- Mes saisons de Bracieux

   Poèmes pour eux

   Poèmes venus d'ailleurs

(Editions Saint-Germain des Prés, 1973) épuisé

- Parcours secret derrière Orion

(Editions François Villon, 1997)

- Là-bas sont tous les rêves

(Editions Caractères, 2009)

 

MUSIQUE

- Désert II     pour hautbois

Extrait de "Du Fond du Gouffre", durée 7'

(Editions Henry Lemoine, 1986).

- Parcours secret derrière Orion      pour 7 saxophones

(5 saxophones alto mi b, 1 saxophone ténor si b et 1 saxophone baryton mi b), durée 20'

(Editions Van de Velde, 2002).