Abordons maintenant le deuxième grand volet de la plaquette "Mes Saisons de Bracieux", dont vous avez ici la présentation, et là les illustrations : les "Poèmes venus d'ailleurs".
Depuis longtemps déjà, Robert Bichet proclamait que "l'Art vient d'ailleurs" et que "l'artiste n'est qu'un transmetteur" (voir sur cette page, colonne de droite, en bas).
Cependant pour ces poèmes, qui n'ont de commun avec ceux précédemment évoqués que le style propre de leur auteur mais rien de la forme, il s'est totalement voué au hasard afin de créer des textes d'une pureté absolue.
C'est le principe de l'acrostiche qui en a été le déclencheur. Mais le mot prétexte, Robert Bichet voulut le cacher à la vue du lecteur, n'étant pour lui que l'étincelle bien involontaire à l'origine d'un objet ciselé à la façon d'une sculpture.
Au fil des journées, il se laissait impressionner par un prénom féminin (dont il ne connaissait pas forcément la propriétaire, car il pouvait s'agir d'un nom cité ou lu par n'importe qui à n'importe quel moment) ; et autour de ce prénom déjà porteur pour lui d'images ou de sons, il s'attelait à une écriture soignée, régulière et rimée, en utilisant les formules les plus riches, les mots les plus recherchés (voire imaginés), les libertés syntaxiques les plus étranges, jusqu'à obtenir une sorte de joyau... qui de "l'aboli bibelot d'inanité sonore" ne posséderait que l'éclat, tandis qu'à l'instar de la pierre des alchimistes il brille et dégage une puissance magnétique.
Sur mon propre blog j'ai déjà cité le poème "Dolorès", dont je vous livre la clef par facilité en guise d'intitulé ; mais il faut rappeler que Robert Bichet tient beaucoup à ce qu'aucune majuscule ne soit posée au début des vers (à part pour le premier) et qu'aucun titre ne soit affiché afin que le prénom s'efface derrière le texte qu'il inspire, et que personne n'aille s'imaginer la moindre dédicace à l'intention d'une personne précise. Robert ne connaissait nulle "Dolorès" et c'est uniquement la musique du mot, comme pour tous les autres "Poèmes venus d'ailleurs", qui a déterminé le texte obtenu.
En voici deux autres, pour lesquels je conserverai la discrétion exigée.
Mandragore ignifuge, ô toi mes grands voyages...
«iberna»1 de l'allée ; vagabonds de là-bas...
couche tes horizons pour faire mes images,
haleine en fleur d'azur ; mes jardins de là-bas...
éparpille au sommeil au bord du jour qui vient
le pas de tes oiseaux ; mes chemins de forêt...
île en rouge où je meurs sous le ciel de mes chiens,
nymphe aux ombres marbrées ; mon hiver décoré !
écoute au fil du soir le message éolien...
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Aurore en sables fin, d'étoile, haut luminaire ;
nu d'écaille au matin, réveil ; ma vagabonde...
desseins de marbre au fil, au mythe, à l'éphémère ;
rive oblique à la nuit... berceuse à l'autre monde...
éloignons nos objets, nos chats diamantifères,
et tout ce qui machine (en douce) au «multimonde»...
Robert Bichet © Editions Saint-Germain-des-Prés
1 Iberna est le titre d'une des Altitudes (tirées du recueil Triptyque) : poème particulièrement désespéré écrit dans l'allée de Bracieux.
Les Poèmes venus d'ailleurs sont au nombre de six, comme les Altitudes ; leur inspiration part de la rêverie quotidienne (pour le premier) jusqu'à la contemplation la plus mystique (pour le dernier, précisément celui que j'ai nommé « Dolorès » et dont le lien est ci-dessus). Seul l'un d'eux s'adresse à une personne connue : « Martine » ; allez savoir pourquoi...
Robert Bichet © Editions Saint-Germain-des-Prés