Robert Bichet, de plus en plus attaché à la terre berrichonne qui a pris dans son coeur la place de sa Sologne natale, prépare pour la grande aventure du millenium une oeuvre musicale intitulée Berry, Terre d'Inspiration.
Robert et Marie-Hélène à Condé
Simultanément, alors qu'il a organisé pour ses 50 ans une grande fête campagnarde dans sa maison de Condé, sa vie vient de brusquement changer : il divorce de son épouse, Martine Maillard (juin 2001), et trouve en Marie-Hélène M.-T. une nouvelle compagne précieuse et attentive. On peut lire dans la dernière partie de Parcours Secret derrière Orion (plaquette de poésie publiée en 1997 par les éditions Issoldunoises François Villon), l'Eternel Départ, un poème écrit à son intention :
Tu fais de la vie
Belle
ce grand brasier d'étoiles
où chantent
où s'émerveillent
les rêves les plus fous,
les mondes les plus secrets
les plus lointains voyages (...)
© Editions François Villon, sept. 1997
Le 26 mai 2000 a lieu au Centre Culturel Albert Camus d'Issoudun la création de Berry, Terre d'Inspiration, qui inclut l'audition d'un poème de Martine Maillard (en ouverture de l'oeuvre) à côté de celui de même titre du compositeur (en filigrane durant toute l'oeuvre, puis clairement énoncé à la fin), ainsi qu'auprès d'une bande électroacoustique et d'une bande de sons enregistrés l'apparition des vielles et des cornemuses berrichonnes. Enseignés depuis plusieurs années au Conservatoire Municipal, ces instruments ont séduit Robert Bichet, qui ressent profondément leur correspondance avec la nature et avec la terre dont ils sont issus.
Ce sera l'oeuvre la plus importante qu'il aura composée depuis les Trois Métamorphoses du Rêve puisqu'elle dure plus de 45 minutes. Outre les éléments déjà cités, elle requiert un orchestre très vaste, composé notamment de guitares, mais aussi de percussions extrêmement variées (douze enclumes, une cloche d'église, des éolyres...), d'un intervenant d'origine créole qui manie le didjeridoo et le djembé, sans parler des choeurs qui, tantôt parlés tantôt chantés, se munissent également d'objets sonores (appeaux, coquilles Saint-Jacques, boîtes de conserve...). Robert la dédicacera à André Laignel, son cinquième Père Spirituel comme il aime lui-même à le désigner.
Le poème correspondant, publié en 2009 par les éditions Caractères dans le recueil Là-bas sont tous les rêves exprime l'universalité de la Terre Berrichonne en ces termes :
La mer est un désert
où les bateaux s'enlisent
trois par trois
Ma Bretagne berrichonne
tu portes en ton sein
mes voyages les plus intimes :
Gardaïa, Timimoun, El Goléa...
De tes terres rouges ensoleillées
ressurgissent l'Afrique noire,
la Guyane, toute l'Algérie... (...)
© Editions Caractères, déc. 2009
En février 2000, Robert a la douleur, après le décès de sa soeur cadette Joëlle intervenu en 1988, de perdre sa mère, Fernande-Gaud Bichet, artiste peintre dont il s'est toujours senti très proche. C'est pour lui rendre hommage qu'il composera, en 2001, une pièce intitulée Soleil Couchant. Commandée pour orchestre d'harmonie par Frédéric Langé (professeur de saxophone), elle est destinée à être travaillée lors du stage d'été de l'Académie musicale du Cher et sera exécutée et enregistrée à cette occasion l'été 2001.
Fernande-Gaud Bichet
C'est hélas le commencement d'une "série noire" pour le compositeur, puisqu'il perdra successivement en septembre 2003 sa compagne Marie-Hélène (qui souffrait de graves problèmes de santé) , puis en juillet 2005 son père Gaston Bichet .
Cependant dans l'immédiat la disparition de Fernande Bichet conduisit Gaston, désemparé, à se rapprocher de son fils et à lui offrir de l'accompagner dans de nombreux voyages autour du monde : il lui permit ainsi de visiter le grand Ouest américain, puis l'Egypte en croisière sur le Nil, l'île de la Réunion avec l'île Maurice, et enfin Rome et l'Italie.
Malheureusement en août 2003 Marie-Hélène est hospitalisée pour un infarctus et s'éteint un mois plus tard à Condé, ayant refusé son placement en maison de repos. C'est alors que, désespéré, il conçoit toute une série de dessins intitulés Mutation-Galaxie. Ils seront le point de départ d'un nouveau projet destiné à dépasser la souffrance, la création d'une nouvelle oeuvre musicale.
Celle-ci, appelée également Mutation-Galaxie et dédiée à Marie-Hélène, sera longuement élaborée durant tout l'hiver 2003-2004 et expose une nouvelle philosophie de la vie en trois points (qui seront développés dans les trois volets de l'oeuvre) :
1 - Ressentir une souffrance : c'est le chaos (ou, dira-t-il dans cette oeuvre : "la caverne de Platon", c'est-à-dire le monde des apparences, la vie vécue au "premier degré").
2 - De cette souffrance, tenter de tirer un élément positif (une leçon de vie, un projet créatif) : c'est l'espace transformé (soit : sortir de la caverne, s'efforcer de s'abstraire des apparences pour découvrir ce qu'elles cachent).
3 - Transcender alors la souffrance en prenant appui sur l'élément positif déterminé : c'est l'éternel départ.
Le concert, donné le 1er juin 2004 au Centre Albert Camus d'Issoudun et accompagné d'une exposition des dessins correspondants, fut accessible au public contre un droit d'entrée de 3€ qui fut intégralement reversé aux Handicapés de France : en effet, Marie-Hélène avait passé les dernières années de son existence dans une chaise roulante.
La création de Mutation-Galaxie le 1er juin 2004
Plus que jamais, Robert ressent la nécessité dans cette vie d'être un artiste et de créer afin d'exorciser la douleur, et c'est avec une conviction de plus en plus intense qu'il y pousse son entourage du Conservatoire : depuis quelque temps lors des auditions des différentes classes - notamment celle de piano - les élèves et les professeurs exécutent parmi d'autres des oeuvres de leur composition.
En juillet 2005 tandis qu'il raccompagne son père en Touraine, celui-ci s'engage sur un carrefour sans apercevoir, dans l'ombre du matin, une voiture folle lancée vers lui... Percutée de plein fouet par la gauche, la petite Golf de Gaston Bichet fait plusieurs tonneaux avant de s'immobiliser sur le flanc de l'autre côté de la chaussée, et Robert a juste le temps de réaliser que son père a été tué sur le coup. Suspendu par sa ceinture de sécurité, il souffre horriblement de longues heures en attendant les secours, mais affirme avoir vu son père monter vers la lumière, puis revenir aussitôt à ses côtés pour l'assister.
Gaston Bichet
Une longue hospitalisation, puis quelques mois de rééducation dans le service spécialisé de hôpital d'Issoudun dont il avait quelques années plus tôt célébré l'inauguration lui permettront de passer en douceur ces moments terribles. Il se sentit soutenu par la gentillesse des soignants et voulut croire au bonheur qu'avaient eu ses parents de se retrouver dans l'au-delà.
Sans cesser d'exposer ici ou là, Robert Bichet prépare la grande oeuvre qu'il dédiera à son père disparu. Mais en 2007, c'est une nouvelle mouture de Point Migration (écrit initialement en 1991 à l'occasion d'un hommage à Arthur Rimbaud) qu'il donne à entendre lors du Concert de fin d'année du Conservatoire : conçue à partir d'un extrait de la Lettre du Voyant, l'oeuvre est cette fois écrite pour orchestre, ondes Martenot, percussions et bande de sons enregistrés.
Point Migration, soirée de l'annonce du départ en retraite
...Et simultanément, ce à quoi personne ne s'attendait, il annonce son départ à la retraite pour le mois de septembre suivant : en effet, 2007 est l'année de ses 60 ans. Souhaite-t-il ne pas perdre une occasion de partir alors que la possibilité semble devoir s'en amenuiser année après année ? C'est ce qu'il affirme, mais il éprouve aussi le besoin de se plonger plus totalement dans la création, la gestion de l'Ecole de Musique devenant chaque jour plus lourde et plus complexe.
Pourtant, hors de question pour lui d'abandonner le Conservatoire et ceux qui le fréquentent : non content de s'inscrire lui-même en tant qu'élève dans la classe de jazz, il se met à animer des ateliers d'initiation à la musique contemporaine pour adultes, et dans un autre cadre mais sur le lieu même de la "Boîte à Musique", donne des cycles de conférences ouvertes à tous.
A l'occasion de son départ en retraite, André Laignel félicite Robert Bichet.
La grande oeuvre prévue pour Gaston Bichet, Là-bas sont tous les rêves..., sera jouée en juin 2009 avec le compositeur cette fois au cor anglais - son instrument - tandis que Frédéric Langé, déjà bien habitué à la musique de son ancien directeur, en assurera la direction.
Là-bas sont tous les rêves..., juin 2009