Suite à l'article précédent, je vous propose un regard plus appuyé sur chacun des tableaux exposés... (Toutes les images ci-après peuvent être agrandies).
Tout d'abord, approchons-nous du bureau d'accueil pour y lire la présentation de l'artiste.
Nous découvrons sur le comptoir une liasse de feuillets pliés en deux et ornés de dessins originaux, parmi lesquels nous pouvons nous servir afin de suivre le fil conducteur de l'exposition et de connaître les noms des différentes oeuvres affichées.
Robert Bichet y a inséré comme à son habitude un paragraphe sur sa vision de l'Art. Le titre de l'exposition, "l'Eternel Départ", rappelle son goût pour le voyage, et sa manière optimiste d'envisager la vie comme un présent toujours neuf et riche d'avenirs. Malgré les "ruines" apparentes, ses dessins apparaissent (surtout les plus récents) comme remplis de forces explosives qui recréent de nouveaux espaces... et leur forme générale est souvent celle de navires bravant les flots.
Nous constatons que, comme toujours, c'est une exposition "non-vente" : en effet Robert Bichet n'accepte pas de se séparer de ses oeuvres, et consent uniquement à en faire cadeau à des amis à condition qu'ils les lui rendent pour ses expositions (c'est le cas par exemple de "Parcours secret" (le n° 5).
Mais commençons notre visite, comme indiqué, par le Hall dans sa partie gauche.
1 - Espaces inaccessibles (1977)
Robert était triste à cette époque. Il considérait la ville comme un lieu d'enfermement d'où l'on ne voyait les arbres que tronqués, à travers des fenêtres.
2 - Le chaos (1976)
Sensiblement de la même époque, ce tableau montre la technique utilisée à l'origine, à partir de taches d'encre de chine étalées sur le papier d'où vont surgir les arbres qui cette fois poussent sous le béton, détruisant au passage la ville implantée.
3 - Espaces Transformés (1983)
Ici apparaît peu à peu l'usage de l'aquarelle, et tandis que la nature faisant exploser la ville reprend peu à peu ses droits (vous voyez à droite les tours de Notre-Dame de Paris), tandis que les arbres se coiffent des chapeaux des vieilles cheminées de campagne, surgissent des espaces d'évasion, à travers des cadres, sous les racines ou dans les branches...
Voici le premier grand bateau fantastique transportant des villes entières, plus douces et plus accueillantes. L'usage de la couleur se généralise en taches moins sombres (ce dessin a été photographié hors exposition).
La technique a totalement basculé et s'est considérablement affinée. Muni de racines, cet univers en marche porte en lui tout un monde de paysages mystérieux dans lesquels se réfugier et se promener à loisir...
6 - Parcours secret derrière Orion (1991)
Même atmosphère de mondes intérieurs enchevêtrés, encastrés cette fois dans la forme rectangulaire de la constellation d'Orion (photographie prise également hors exposition).
Mais poursuivons notre visite en montant l'escalier, puisque c'est de l'étage que reprend la seconde partie de l'exposition. Il va s'agir maintenant de "Poèmes illustrés".
Il s'agit du premier des quatre poèmes ayant pour thème une saison. Et c'est volontairement que Robert Bichet l'a disposé ici à l'étage, pour bien montrer que la vie évolue comme une descente progressive vers l'hiver, ou la mort... Dans le dessin qui l'accompagne, les univers s'empilent les uns par-dessus les autres, tendant leurs doigts vers le ciel comme les branchages des arbres, alors qu'en bas, dans les racines, dorment des villages tranquilles.
Juste à côté de "Printemps", "l'Enfant" souligne cette identité entre les saisons de l'année et celles de la vie. On remarque sous chaque poème un long commentaire : en effet, Robert Bichet ne peut dissocier les poèmes qu'il a écrits de l'atmosphère dans laquelle ils sont nés, et en inscrivant avec précision les circonstances de leur éclosion il en fait des clichés qui lui apporteront autant de chaleureux souvenirs lorsqu'il les relira dans sa vieillesse.
Avec ce poème, l'atmosphère se durcit... Robert n'aime pas l'été ! Peut-être cela vous surprend-il, mais si vous considérez l'enfance qu'il a vécue, vous comprendrez mieux : jamais il n'a connu de vacances en famille ; jusqu'à dix ans c'était, après des mois de pension éloigné des siens, l'envoi en colonie de vacances qui perpétuait son sentiment d'isolement et d'abandon ; à partir de dix ans ce fut le travail acharné au Relais de ses parents où il aidait au service, n'ayant de repos que le mardi... Les chaudes journées lui paraissaient alors lourdes, comme toutes chargées d'orage.
10 - Du côté du Bonheur : Riez, riez, riez ! (2008)
Mais il n'est pas juste que la saison du soleil reste triste : c'est pourquoi ce poème centré sur la joie de vivre vient se coller auprès de celui consacré à l'Été. Vous y apercevrez un effet de graphisme évoquant le crescendo en musique : les trois premiers mots "Riez" sont écrits de plus en plus gros, comme s'ils étaient dits de plus en plus fort.
Vient l'automne, et avec lui la douceur des couleurs bien rendue par l'image apposée, dans un "cercle" de brume grise.
Enfin l'hiver clôt ce parcours de vie, apportant ses défaites au bas de l'escalier...
Cependant pour Robert Bichet tout n'est pas terminé. Si la mort semble régner, la vie n'a pas dit son dernier mot...
... Non, les arbres sont là pour témoigner de la force souterraine qui travaille à fabriquer un nouveau cycle d'existence, un nouveau printemps, de nouveaux projets !
Et comme nous voici dans le Hall, prêts à découvrir la superbe série des "Mutation-Galaxie", je vous abandonne un instant, pour reprendre notre visite dans un prochain article.